Elie Barnavi Ambassadeur d'Israël en France
Au début du film, un pneu en flammes roule interminablement. Vers la fin, la même image dit l’exaspérante routine d’un conflit dont on ne voit pas la fin. Mais entre les deux, un petit miracle s’est produit : la rencontre improbable et pourtant incroyablement naturelle d’enfants israéliens et palestiniens.
Ces sept gosses, que la caméra suit avec un tact, un respect et une tendresse infinis, vivent dans un mouchoir de poche, mais les obstacles qui les empêchent de se rencontrer sont plus infranchissables que l’océan : la guerre que se font leurs parents, les peurs et les préjugés sans lesquels il n’y aurait pas de guerres, l’ignorance sans laquelle il n’y aurait ni peurs ni préjugés. Le réalisateur réussit à mettre quelques-uns de ces gamins ensemble, la curiosité naturelle des enfants et le foot feront le reste. Une amitié naît, timide, mais qui ne demande qu’à s’épanouir. Et l’on s’aperçoit que les horreurs qu’on a entendues dans leur bouche tout au long du film étaient des horreurs d’emprunt. C’est Faraj, qui a exprimé son désir de tuer de l’Israélien et qui s’est montré le plus réticent à en rencontrer, qui se montrera le plus acharné à maintenir le contact. En attendant, chez lui, dans sa bicoque du camp de Deheiché, en présence de ses nouveaux amis, il pleure amèrement à l’idée que le départ proche du cinéaste-passeur brisera l’amitié naissante avec Yarko et Daniel, ses deux potes israéliens. Et le spectateur, la gorge nouée, se met à espérer absurdement qu’il n’en sera rien. Il sait pourtant que, depuis, la révolte palestinienne s’est rallumée et que la spirale de violence a repris, plus folle que jamais. Mais il sait aussi qu’il aurait tort de donner dans le cynisme. Car ce film merveilleux, sans doute le meilleur qu’il m’ait été donné de voir sur le conflit israélo-palestinien, est aussi une formidable leçon d’espoir. David Grossman a raison, les prochaines négociations de paix devraient débuter par une projection de “Promesses”.Paris, Mars 2002.
Leila Shahid Déléguée Générale de Palestine en France
Le film de Justine Shapiro, B.Z. Goldberg, Carlos Bolado, Promesses, sort au meilleur moment aujourd’hui pour rappeler à tous ceux qui s’intéressent à la question israélo-palestinienne que l’enjeu de ce conflit est bien l’avenir de deux peuples sur cette terre, mais aussi de tous les peuples sur notre terre. Nul ne pouvait l’exprimer mieux que les enfants, israéliens et palestiniens, face à la caméra complice, tendre, émue, révoltée de Yoram Millo et Ilan Buchbinder et l’encouragement pressant à la parole de B.Z Goldberg qui sonde leurs convictions mais aussi leurs doutes, leurs questionnements et leur vérité absolue. Laïcs ou religieux, extrémistes ou modérés, la parole de ces enfants établit la frontière entre eux, non dans leurs origines nationales respectives, mais dans leur capacité de “voir” l’Autre, de l’intégrer dans leur vision d’avenir, dans l’espace du pays qui les réunit et qui les sépare. Le film ne tente à aucun moment de simplifier les choses, au contraire, il nous restitue la complexité et la difficulté pour ces enfants de sortir du ghetto-cocon-tribu dans lequel ils vivent malgré eux. En verbalisant leur perception de l’Autre, ils participent à construire sa réalité, quelquefois en tant qu’ennemi qui n’a pas droit “de cité”, à d’autres moments en tant que voisin avec qui il faudra apprendre à vivre. Mais le film ne s’arrête pas là. Il ne se contente pas de témoigner, il tente aussi d’agir dans ce que l’on devine être la conviction profonde des auteurs, celle de la nécessité de faire un pas vers l’Autre. Ce n’est pas facile ni simple et le film n’essaie pas de l’occulter. Le poids du monde des adultes, de la culture, de la religion, du choix idéologique des parents, de l’éducation vécue à la maison et dans le milieu social pèsent lourd. Aucune illusion n’est faussement entretenue sur la rencontre possible ou impossible. Même lorsqu’elle a lieu entre Yarko et Daniel, les jumeaux israéliens et Faraj et Sanabel, les réfugiés palestiniens, elle reste limitée dans le temps et l’espace. Elle ne peut transgresser tous les tabous, les obstacles du monde des adultes. Mais c’est un pas de fait vers l’autre, un précédent qui montre que c’est possible si on le veut vraiment, et surtout c’est une lueur d’espoir pour l’avenir. En ce sens, Promesses n’est pas seulement un film sur les enfants israéliens et palestiniens mais sur tous ceux que séparent la méfiance et la peur, le racisme et l’ethnocentrisme, la déshumanisation de l’autre et sa diabolisation, la souffrance et la douleur perçue comme une expérience unique à soi. En ce sens Promesses porte un message universel dans lequel se reconnaîtront beaucoup d’enfants piégés par les guerres, mais aussi par l’exclusion et le rejet de l’Autre de Jérusalem à Gaza, des banlieues de Marseille à celles de Paris. Je souhaite profondément que ces paroles israéliennes et palestiniennes d’enfants de là-bas trouvent leur écho aussi ici.Gaza, le 18 mars 2002.