LONG WEEKEND

Un film de Colin Eggleston

Sortie en salles : 2 octobre 2019
Visa n°52145
Pays d'origine : Australie -1978 | Format : Couleurs - 2,35:1 - Mono | Genre : Suspense | Durée : 92 minutes

Un jeune couple de citadins décide de profiter d’un weekend long pour s’adonner à du camping sauvage au bord de la mer. Par d’imperceptibles étapes, le décor paradisiaque de plage isolée où ils s’installent se charge de mystères avant de se transformer en un véritable enfer : la Nature paraît soudain prendre une sourde revanche sur la civilisation …

LONG WEEKEND - Affiche

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Long Weekend : L'horreur en ce jardin

Dès le plan d’ouverture, où l’on découvre un crabe arpenter un rocher, un étrange climat d’intranquillité s’installe qui ne lâchera plus le spectateur. Comme une sourde menace guettant à chaque instant. Car dans ce film aussi fascinant que singulier, l’ “ennemi” est impalpable – ou plutôt, il se confond avec la nature environnante qui semble vouloir se venger du comportement irresponsable de l’être humain.

Tourné à la fin des années 1970, à une époque où les conventions de la vie conjugales sont fortement bousculées en Occident et les problématiques environnementales préoccupent l’opinion publique, The Long Weekend confronte un couple, lui-même en proie à des tensions, à une nature de plus en plus hostile. Visiblement au bord de la rupture, les deux protagonistes fuient la civilisation urbaine le temps d’un week-end, comme si cette escapade pouvait leur permettre de surmonter leurs différends. Mais ils se montrent violents dans leurs propos et retournent leurs frustrations et leur colère contre la faune et la flore qui les entourent. Il suffit de voir comment l’homme écrase un kangourou, bientôt pilonné par un autre véhicule, dans une totale indifférence ou comment la femme vaporise son insecticide sans s’interroger un instant sur les conséquences de son geste. Et à mesure que leur comportement à l’égard de la nature devient plus brutal, la violence s’exacerbe au sein du couple. Leur sauvagerie ne tarde pas à être plus terrible encore que celle de la forêt où ils se sont aventurés.

Comme dans Les oiseaux d’Hitchcock auquel on songe souvent, les dérèglements provoqués par l’espèce humaine sont “réparés”, pour ainsi dire, par la riposte de la nature. Il y a d’abord l’attaque des cacatoès, au début du film, qui s’en prennent aux habitants d’une paisible banlieue pavillonnaire : c’est le premier avertissement. Puis, la forêt semble se refermer sur le couple et les retenir prisonniers – cherchant à s’échapper en voiture, ils reviennent systématiquement sur leurs pas – avant de les engloutir. Sans recours aux effets spéciaux, le cinéaste instaure un climat fantastique et horrifique grâce à des plans furtifs sur un arbre qui s’agite, un aigle qui fond sur l’homme ou la silhouette d’un gigantesque animal marin – mais aussi grâce à une bande-son savamment travaillée où se mêlent les bruissements du vent et les cris de bêtes invisibles. Proche des premiers films de Peter Weir, ce Long Weekend est une œuvre inclassable d’une stupéfiante actualité. À redécouvrir de toute urgence.

Colin Eggleston installe alors un malaise grandissant qui dérive au fil du film vers une menace latente plus ou moins visible. A l’instar du cinéma australien des années 70, le réalisateur parvient à créer un climat lourd, inquiétant avec très peu d’effets, et se rapproche de réalisateurs comme Ted Kotcheff (Wake in fright), Nicolas Roeg (Walkabout) ou encore Peter Weir (La Dernière vague), dans ce qu’on nommera le cinéma d’ozploitation. Les seuls inserts sur la faune, la flore, les plans de plage déserte et silencieuse, accompagnés d’une musique envoûtante, font monter la tension de manière très efficace. Les évènements, tous plus anodins les uns que les autres, prennent alors un autre sens, et l’on comprend alors qu’une sanction, sous la forme d’une menace indéterminée, plane sur ce couple irrespectueux.

Le film est très efficace, et la montée de la tension est bien assurée. Les décors naturels de l’Australie sont superbes et « Long Weekend » arrive à les rendre inquiétants. Certaines questions sont laissées en suspens et le film prend parfois des allures de film fantastique.

Ainsi, en mêlant une pointe de fantastique à une atmosphère étouffante et une mise en scène angoissante, Long Weekend remporte de nombreux prix en festivals, dont un Prix Spécial du Jury au Festival d’Avoriaz en 1979, et gagne ses galons de classique du cinéma de genre australien. Une vraie redécouverte !

Le scénario est dû à l’Américain Everett De Roche qui s’est installé en Australie à 22 ans. Scénariste prolifique, il a été formé à la télévision australienne et a signé une vingtaine de scénarios pour le cinéma, surtout dans l’horreur. Il a collaboré plusieurs fois avec les réalisateurs australiens Richard Franklin (« Coma », « Roadgames », « Link », « Visitors ») et Simon Wincer (« Snapshot », « Harkequin »). Il signera également « Razorback » pour Russell « Highlander » Mulcahy. « The Long Weekend » est son deuxième scénario pour le cinéma après « Coma » sorti la même année.

Le réalisateur Colin Eggleston a également été formé à la télévision britannique et australienne. Il a d’abord commencé comme monteur avant de passer à la réalisation au début des années 70. De Roche et lui ont d’ailleurs travaillé à plusieurs reprises sur les mêmes séries (Homicide, Division 4, Matlock Police) produite par Crawford Productions. Il avait signé l’année précédente un film softcore sous un pseudo (« Fantasm Comes Again ») et « The Long Weekend » est son premier film sous son vrai nom. Il réalisera encore trois autres films puis arrêtera sa carrière à la fin des années 80.

Il faut saluer les prestations des deux acteurs principaux du film, car c’est un huis clos à ciel ouvert et se sont les deux seuls personnages avec des dialogues (si on excepte les quelques bribes sorties par des bas-du-plafond dans un bar). Coté masculin, on a l’acteur australien John Hargreaves. Lui aussi passé par la télévision (et la série « Division 4 »), il a débarqué au cinéma au milieu des années 70 et a continué à tourner intensivement pour petit et grand écran, essentiellement en Australie, jusqu’à sa mort en 1996 du sida. Pour sa part, Briony Behets est une actrice anglaise mais qui a fait sa carrière en Australie où elle a commencé à la télévision (sur « Matlock police » et « Homicide » notamment !). Elle retrouvera Eggleston sur « Cassandra » (1987).

Franck GARBARZ / N. B.