IF…
Un film de Lindsay Anderson
Sortie en salles : 23 novembre 2011
Visa n°35683
Grande Bretagne, 1968 |
1h41 |
Couleur/ 1.66 |
Interdit aux moins de 12 ans.
Des lycéens anglais se révoltent violemment contre le systeme éducatif et la discipline de fer de leur établissement. Ils vont même jusqu’à tirer sur la foule le jour de la remise des prix…
PALME D’OR au festival de Cannes 1969
— Galerie
Lindsay Anderson - La radicalité à fleur de peau
“Quand on se bat, il faut être engagé et croire à ce qu’on raconte. Il faut aussi être prêt à s’entendre dire qu’on est sentimental, irresponsable, orgueilleux, extrémiste et démodé par ceux qui estiment que la vraie maturité, c’est le scepticisme, que l’art n’est que divertissement, et que la responsabilité n’est qu’une vue de l’esprit des romantiques”. (Lindsay Anderson)
Figure tutélaire du “Free Cinema” anglais, Lindsay Anderson est né en Inde en 1923. Dès ses années d’études au Cheltenham College, il annonce à ses amis son intention d’être un “rebelle” et de passer le reste de ses jours à chercher à atteindre ce but. Tout un programme… Après avoir combattu pendant la Seconde guerre mondiale, il enseigne la littérature à Oxford et fonde la revue critique Sequence, où il fustige violemment le cinéma anglais, beaucoup trop bourgeois et sage à son goût. Il écrit ensuite dans des publications prestigieuses comme Sight and Sound et The New Statesman où, là encore, son point de vue radical sur l’art choque certains lecteurs.
Vers la fin des années 40, il tourne des courts métrages documentaires sur des sujets délaissés par les réalisateurs britanniques : en 1953, Thursday’s Child, qui s’attache à l’éducation des enfants sourds, remporte un Oscar. Quatre ans plus tard, il signe un autre documentaire, Every Day Except Christmas, autour des anciens marchands de Covent Gorden, que plusieurs considèrent comme l’un des premiers opus du “Free Cinema”.Il faut attendre 1963 pour qu’il tourne son premier long métrage de fiction : Le Prix d’un homme est le portrait d’un sportif en proie à ses démons intérieurs et à la difficulté de communiquer. Tourné à la manière d’un documentaire, le film impressionne par son réalisme visuel et la capacité du cinéaste à capter les tourments émotionnels du protagoniste. Mais c’est avec If… (1968) — Palme d’Or à Cannes — qu’Anderson se fait connaître : réalisé en pleine contestation estudiantine, le film dénonce avec force le système de castes anglais et l’hypocrisie des grandes institutions du pays. Malcom McDowell, emblème d’une jeunesse en plein désarroi, campera de nouveau le rôle de Mick Travis dans Le Meilleur des mondes possible (1973), puis dans Britannia Hospital (1982). S’il tourne encore InCelebration (1974) et Les Baleines du mois d’août (1987), avec Lilian Gish et Bette Davis, il a de plus en plus de mal à financer ses projets car il est réputé pour être un homme intransigeant. Il meurt à Périgueux en 1994.
Malcolm McDowell - Troublant séducteur
Tout en étant réputé pour ses personnages cruels et rebelles, Malcolm McDowell a toujours su rester séduisant et charmeur. Né en 1943 dans une famille modeste, il intègre la prestigieuse Royal Shakespeare Company à la fin des années 60 et fait ses débuts au cinéma dans Pas de larmes pour Joy, premier film de Ken Loach. Mais c’est son rôle dans If… (1968) de Lindsay Anderson qui l’impose : il incarne Mick Travis, jeune homme révolté, qu’il endossera de nouveau dans Le Meilleur des mondes possible (1973) et Britannia Hospital (1982).
Avec Orange mécanique (1971) de Stanley Kubrick, McDowell se fait connaître dans le monde entier : son personnage d’Alex, sadique “Droog”, lui vaut une réputation sulfureuse. Et son interprétation de l’empereur fou Caligula dans le film éponyme de Tinto Brass, en 1979, ne fait que confirmer son goût pour les figures hors normes.
Il tourne son premier film américain avec C’était demain (1980) de Nicholas Meyer, puis enchaîne avec le remake de La Féline (1982) de Paul Schrader et Meurtre à Hollywood (1988) de Blake Edwards. Malheureusement, il gâche ensuite son talent dans des films peu mémorables. Ce qui ne l’empêche pas de faire une apparition remarquée dans The Player (1992) de Robert Altman et de retrouver ce dernier dans Company (2002), où il interprète le directeur artistique de la troupe de danse. On l’a vu récemment dans Le Livre d’Eli (2010) des frères Hughes et on le retrouvera avec grand plaisir dans The Artist de Michel Hazanavicius, aux côtés de Jean Dujardin, où il incarne un acteur du cinéma muet.
If… - La fureur de vivre
Film-manifeste d’une période de mutations en tous genres, If… reste d’une modernité brûlante plus de quatre décennies après sa réalisation. Figure emblématique des “Angry Young Men” — ces “jeunes gens en colère” qui cherchaient à pulvériser le conservatisme britannique —, Lindsay Anderson fustige le cadre répressif d’une société anglaise corsetée par des rigidités archaïques. Formidable microcosme social, la “boarding school” dans laquelle le cinéaste plonge sa caméra est un univers quasi totalitaire, où l’institution prime sur l’individu. Refusant catégoriquement de se soumettre à un ordre qu’il juge inique, Mick (alias Malcolm McDowell) s’engage alors dans la rébellion.“La violence et la révolution sont les actions les plus pures”, affirme le jeune protagoniste, en écho aux chantres de la contre-culture des années 1960. Rien d’étonnant à ce que les photos de Mao, de Che Guevara et de la guerre du Vietnam ornent les murs de sa chambre d’étudiant. Mais Mick s’inscrit tout autant dans la mouvance libertaire et poétique qui imprègne l’époque, où l’imaginaire et l’utopie sont élevés au rang des nouvelles idéologies. Brouillant progressivement la frontière entre réalité et fantasme, le cinéaste alterne entre couleur et noir et blanc et adopte une narration de plus en plus elliptique, comme si l’on émergeait d’un rêve. C’est ainsi que des images aussi insolites qu’oniriques ponctuent le film, à l’instar de Mrs Kemp errant, toute nue, à travers les chambres d’étudiants ou encore de la découverte d’un ftus dans un bocal par les protagonistes. Comme le suggèrent les points de suspension du titre, le spectateur a toute liberté pour laisser libre cours à son imaginaire. “J’ai voulu construire une atmosphère de licence poétique”, expliquait Lindsay Anderson, à propos du film.
Aussi marquant qu’EasyRider ou Macadam Cowboy, If… est une uvre programmatique, tournée quelques mois seulement avant les événements de mai 68 à Paris. Tour à tour d’une arrogance insolente et d’une sensibilité inattendue, Malcolm McDowell trouve ici son premier rôle majeur qui semble, avec le recul, annoncer le Droog d’Orangemécanique, trois ans plus tard.