Sulfureux et provocateur, le premier film culte de Joël Séria
MAIS NE NOUS DELIVREZ PAS DU MAL
Un film de Joel SERIA
par le réalisateur du fameux "Les Galettes de Pont-Aven"
Prochainement
1971 | France | Drame | 102mn | 1.66 | mono
couleur | -12 ans
Anne et Laure sont pensionnaires dans une institution religieuse.
L’imagination alimentée par la lecture de Baudelaire, Rimbaud, Lautréamont, auteurs prohibés dans l’enceinte du collège, elle décident de faire le Mal, comme d’autres, veulent faire le Bien.
De retour dans leurs familles, les deux meilleures amies comptent bien mettre à profit leurs vacances pour assouvir leur nouveau penchant, s’aventurant dans des jeux de plus en plus pervers et dangereux…Entre autres transgressions, elles provoquent des hommes, avec des conséquences progressivement dramatiques.

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A propos du film
Drôle de destin pour ce film iconoclaste, qui fut à la fois censuré et sélectionné au Festival de Cannes. Il faut dire que rarement adolescentes auront été dépeintes sous un jour aussi noir. Et si la critique de l’Église est sans doute mieux acceptée aujourd’hui, l’œuvre n’en continue pas moins de dégager, par certains aspects, un fort mais enivrant parfum de scandale.
Si le nom de Joël Séria demeure immanquablement associé à son plus célèbre film, Les Galettes de Pont-Aven (en 1975, avec l’incroyable Jean-Pierre Marielle), Mais ne nous délivrez pas du mal, son premier long métrage, vaut lui aussi le détour. Le réalisateur s’inspire de son propre vécu, de son adolescence stricte où la religion régissait tout, de l’absence de liberté qui incitait à la rébellion. L’idée du récit lui provient également d’un fait-divers survenu en Nouvelle-Zélande dans les années 1950, où deux adolescentes assassinèrent la mère de l’une d’elles, que reprendra plus tard Peter Jackson pour ses Créatures Céléstes (1994).
Bien que les deux films abordent l’idée d’une amitié « extrême », ils diffèrent sensiblement. Chez Séria, l’histoire est moins implacable et illustre sur un ton drolatique les jeux plutôt cruels de ces adolescentes auxquelles leur famille n’accorde pas un grand intérêt. Les filles s’attaquent aux plus fragiles, socialement et intellectuellement : au paysan solitaire, à l’idiot du village qui garde les lettres de sa maman serrées avec un pauvre ruban.
La jeune Anne est une châtelaine sûre de sa puissance et de son immunité. Mais le film n’est pas un simple catalogue de vilenies. Il présente un certain raffinement dans sa crudité. Leur sadisme est-il réelle? Les rires des filles disent-ils la méchanceté ou l’inconscience? Le contraste entre l’été solaire et les noirs desseins des héroïnes pourraient rendre le film sinistre. Cependant, le soleil et les promenades à bicyclette insufflent une certaine légèreté aux actions des personnages. On a l’impression que tout cela n’est au fond qu’un jeu, celui de deux enfants qui se croient déjà femmes, mais qui, en réalité, sont encore en train de grandir.
L’entêtante musique, portée par des voix féminines enfantines, accentuent cette impression de légèreté, même si elle porte également quelque chose d’inquiétant qui évoque la ritournelle de “Rosemary’s baby”, signe que le démon n’est sans doute pas loin. Et pourtant, ce monde porte en lui une corruption profonde, sans doute plus que dans le cœur de ces enfants qui détruisent sans remords, mais lorsqu’elles font face à la réalité de la mort, la véritable mort — celle qu’on cause en serrant trop fort un oiseau dans sa main — elles reculent, soudain confrontés à l’ampleur de leur geste.
Œuvre maudite d’un romantisme noir, à l’esthétique délicieusement malsaine, Mais ne nous délivrez pas du mal est, en somme, un très grand film injustement méconnu.
A propos de Joel SERIA
Formation
Préalablement à sa carrière cinématographique, Joël Séria a travaillé dans le petit commerce. Marchand forain de sous-vêtements féminins, représentant de commerce à Angers, ces expériences lui inspirent la plupart de ses films. Attiré par le métier d’acteur, Joël Séria délaisse son Anjou natal pour Paris dans le courant des années 1960 et décroche de petits rôles au théâtre, au cinéma et à la télévision. Boxeur amateur, il réalise, en 1969, avec l’aide de l’actrice Jean Seberg, Shadow, un court métrage sur le “noble art”.
Carrière au cinéma
Principalement dans les années 1970, Joël Séria est le réalisateur de films populaires, joyeux et provocateurs, dont quatre longs métrages avec son acteur fétiche, Jean-Pierre Marielle, notamment Les Galettes de Pont-Aven.
En 1970, Joël Séria tourne Mais ne nous délivrez pas du mal. Dans ce premier long métrage, il règle ses comptes avec les valeurs bienpensantes et cléricales, inspiré par dix années passées en institution catholique dans sa jeunesse. Sulfureux, instinctif, agressif et provocateur Mais ne nous délivrez pas du mal qui sort après sept mois de censure au début de l’année 1972, jouit d’un accueil très prometteur, autant critique que public.
Après l’adolescence, ce sont ses débuts professionnels qui inspirent ses réalisations suivantes. La première d’entre elles, Charlie et ses deux nénettes, sort en 1973. Au parisianisme en vogue dans le cinéma français des années 1960-1970, le réalisateur préfère les milieux populaires de province, ses bistrots et ses lieux d’échange. Reconnu par la critique, ce film, qui célèbre le petit monde des commerçants forains ainsi que le bonheur dans la polygamie…
Pour le film suivant, Joël Séria – qui devient pour l’occasion son propre producteur – opte pour une réalisation plus commerciale, Les Galettes de Pont-Aven (1975). Pour y parvenir, il cumule de nombreux atouts : budget deux millions de francs, tournage carte-postale dans la “cité des peintres” et distribution nationale assurée par UGC. La palette d’acteurs séduit les spectateurs. Jean-Pierre Marielle, acteur vedette de cette première moitié des années 70 (Comment réussir quand on est con et pleurnichard ; La Valise ; Que la fête commence ; Dupont Lajoie…) en est la tête d’affiche. A ses côtés se distinguent Bernard Fresson (French connection 2), Claude Piéplu (La Moutarde me monte au nez), Andréa Férreol (La Grande bouffe) et Dominique Lavanant, alors jeune-première venue du café-théâtre. Comme pour ses précédentes oeuvres, le film est en partie autobiographique : familier de la Bretagne depuis l’enfance, Joël Séria filme les aventures cocasses d’un VRP en parapluies, artiste peintre grand amateur de modèles callipyges, qui cherche à se libérer de sa condition de mari et père de famille.
L’année suivante, Joël Séria offre à Jeanne Goupil, le rôle-titre de Marie-Poupée, un film – ambitieux et personnel – sur le fétichisme. Puis Joël Séria tourne en 1977 : … Comme la lune. Pour sa troisième collaboration avec l’auteur des Les Galettes de Pont-Aven, Jean-Pierre Marielle reprend son rôle d’idiot poétique, de “con” tendre et charmant.
Exception faite d’un film de commande qui le plonge dans l’univers de Frédéric Dard (San Antonio ne pense qu’à ça, 1981), Joël Séria s’éloigne du Septième art pendant dix ans, période où il se tourne vers la télévision. En 1987, il revient avec Les Deux crocodiles, un “rocambolesque western breton” (Le Figaro) animé par le duo Jean-Pierre Marielle / Jean Carmet. Potache et grivoise, cette comédie – produite par Alain Sarde – ne parvient pas à restituer “l’anarchisme rabelaisien” des Galettes de Pont-Aven. 23 ans après, Joël Séria retrouve les souvenirs de son enfance, en signant en 2009 une chronique respectueuse sur son ancienne maitresse d’école Mumu, interprétée par Sylvie Testud.
La Presse en parle :
“Tout compte fait, une œuvre violente, pamphlétaire, qui n’utilise pas la doctrine politique pour suggérer un renversement de l’idéal bourgeois, mais une forme de destruction et de rage joyeuse. S’il y a un film qui illustre la vague des années 1960-70 contestant les valeurs de la société occidentale, c’est bien celui-ci. Un sacré jeu de massacre.” L’HUMANITE
“Si vous connaissez beaucoup de premiers films de par chez nous qui ont cette vigueur, ce culot, cette justesse de ton, cette bonne santé dans l’insolence, cette jeunesse, faites-moi signe !”
CHARLIE HEBDO