La vitesse comme liberté de l'âme
Un homme fonce à toute allure sur une route déserte de l’Ouest américain, sorte de cow-boy des temps modernes. Son objectif : gagner San Francisco depuis Denver en un temps record – autrement dit, réaliser l’impossible. C’est ce pari insensé – et magnifique par sa gratuité même – que raconte cette œuvre singulière et puissante, devenu un manifeste enflammé de la contre-culture.
Taiseux et solitaire, Kowalski ressemble à première vue au héros traditionnel du western américain : il est viril et sans attaches, il est animé par un certain code d’honneur et il a même servi la police tout en en combattant les injustices et en démissionnant par esprit frondeur. Devenu pilote automobile, il est parvenu à dompter l’un des emblèmes les plus marquants de la mythologie américaine : la voiture.
Pourtant, on comprend assez rapidement que Kowalski échappe aux conventions du héros hollywoodien. Dans ce début des années 70 où l’enlisement de la guerre du Vietnam, la contestation estudiantine et la corruption politique au plus haut niveau ébranlent en profondeur l’arrogance conquérante de l’Amérique, notre conducteur fou apparaît comme un personnage rédempteur. Dès lors, sa trajectoire prend une tournure métaphysique. Comme s’il était mu par une force surhumaine, il fend l’espace avec son bolide et refuse de s’arrêter, défiant effrontément la police. Mieux encore, des “guides” spirituels lui viennent en aide – à croire que le salut de l’Amérique est tributaire de sa réussite.
Mieux construit et plus poétique qu’ Easy Rider, Point Limite Zéro, est une œuvre fascinante qui magnifie l’immensité de l’espace américain et pose un regard interrogatif sur l’omnipotence d’un pays qui découvre soudain qu’il est un colosse aux pieds d’argile. Avec son visage quasi imperturbable en toutes circonstances, Barry Newman restera une figure bouleversante de la contre-culture américaine.