L’AMOUR EXISTE

Un film de Maurice PIALAT

Sortie en salles : 19 avril 2017
Visa n°24358
Genre : documentaire | Année : 1960 | N&B | Durée : 19mn | Nationalité : France

Réalisé en 1960, L’Amour existe a d’abord reçu le Prix Louis-Delluc avant d’être récompensé à la Mostra de Venise et de sortir en salles avec le film de Jean-Luc Godard Vivre sa vie en 1962.

L’AMOUR EXISTE - Affiche

ANALYSE

Poème cinématographique, mélancolique et puissant

Parce que c’est un chef d’œuvre. Parce que ce n’est ni tout à fait un documentaire, ni un essai, c’est un poème cinématographique, mélancolique et puissant, qui s’articule autour des mots Maurice Pialat, des longs plans panoramiques dessinés par Gilbert Sarthre, et de la musique de Georges Delerue. C’est un film de 55 ans, dont le propos, politique, sur la banlieue, sur le quotidien des habitants de la périphérie reste vrai.

A l’écran, défilent doucement les images grises des heures de pointe dans les transports en commun, des embouteillages des vies pavillonnaires prêtes à tous les sacrifices pour échapper aux barres d’immeubles, quitte à se planter au bout d’une piste d’atterrissage d’Orly ou de Roissy. On voit des images des bidonvilles de Massy à la fin des années 1950 celles des barres HLM parfois quasiment aveugles. A ce moment du film, le commentaire de Maurice Pialat dit :
« Le paysage étant généralement ingrat. On va jusqu’à supprimer les fenêtres puisqu’il n’y a rien à voir ».

La banlieue comme « parachèvement de la ségrégation de classes »

Entre Pantin, Courbevoie, et la périphérie Est de Paris, ce que propose Maurice Pialat dans ce film magnifique, ce n’est pas une étude de la banlieue mais une évocation, pour dire « le parachèvement de la ségrégation de classes » ; la promiscuité des appartements HLM « qu’on ne choisit pas » ; pour dire la vie de travailleurs qui n’ont que la « vieillesse comme récompense », et la mise à l’écart des centre-ville, là où les rares horizons sont ceux des zones industrielles et commerciales. L’Amour existe est un film d’amour triste, rageur, sévère parfois, et lucide, comme Maurice Pialat.

Analyse de France Culture.

Maurice PIALAT

Né le 31 août 1925 à Cunihat dans le Puy-de-Dôme, Maurice Pialat prépare d’abord une école d’architecture. Après la guerre, il se tourne vers la peinture et fréquente pendant plusieurs années l’École des arts décoratifs et celle des Beaux-Arts de Paris. Dès le début des années cinquante, entre deux métiers et quelques cours de théâtre, avec une caméra amateur, il s’amuse déjà à tourner quelques petits films.

En 1960, il commence à travailler comme assistant sur des tournages pour le cinéma et la télévision et réalise L’amour existe, un court métrage documentaire qui sera primé au festival de Venise et obtiendra le prix Louis-Delluc.

Fort de ce succès, l’année suivante, il met en scène, pour la télévision, un deuxième court métrage (Janine), de fiction cette fois, d’après un scénario de Claude Berri. De 1963 à 1966, il se consacre presque exclusivement à des réalisations pour le nouveau média (films de voyages, documentaires pour la série “Les chroniques de France”…).

En 1969, L’enfance nue propulse Pialat sur le devant de la scène. Ce film bouleversant sur un gamin de l’Assistance publique est acclamé par les critiques. Il obtient le prix Jean-Vigo et des récompenses aux festivals de Venise et de New York. La même année, Claude Chabrol lui propose de jouer le rôle du commissaire de police dans Que la bête meure. Taciturne et peu loquace, il y impose sa lourde stature.

En 1970 et 1971, il travaille de nouveau pour la télévision qui lui a confié la réalisation d’une série de fiction (La Maison des bois) en sept épisodes d’une heure.

A partir de son deuxième film Nous ne vieillirons pas ensemble, sélectionné au Festival de Cannes, en 1972, et couronné par le prix d’interprétation masculine de

Jean Yanne, il se consacre entièrement au cinéma. Sur la lancée du bon accueil que reçoit cette histoire d’un homme lassé de sa vie de couple et d’une femme qui affirme peu à peu sa personnalité face à ce mari de plus en plus odieux, il réalise successivement La Gueule ouverte (1974), douloureuse et poignante description des derniers instants d’une femme entourée par son mari, son fils et sa belle-fille. Passe ton bac d’abord (1978-1979), présente l’autopsie d’un groupe d’adolescents du nord de la France, copains et copines sans illusion, et Loulou (1980), conte l’adultère d’une petite bourgeoise attirée par la marginalité d’un loubard. Sélectionné au festival de Cannes, ce dernier film scelle aussi la rencontre de Maurice Pialat et Gérard Depardieu.

A nos amours (1983) est son premier grand succès public. Ce portrait cinglant et âpre d’une jeune fille en plein désarroi, dans une famille bouleversée (le rôle du père est tenu par Pialat lui-même), considéré par beaucoup comme un chef-d’œuvre, est récompensé par deux Césars (meilleur film ex aequo avec Le Bal d’Ettore Scola, meilleur espoir féminin pour Sandrine Bonnaire) et le prix Louis-Delluc 1983.

Police (1985), anatomie d’un commissariat de quartier dans lequel un inspecteur de police est confronté au doute ; Sous le soleil de Satan (1987) d’après l’œuvre de Georges Bernanos, évoque le combat spirituel, la quête d’absolu d’un humble curé de village. Gerard Depardieu incarne l’inspecteur de Police et le curé de Sous le soleil de Satan où Sandrine Bonnaire est sa partenaire. Un poing levé face aux sifflets d’une partie des spectateurs, une phrase en conclusion de ses ” remerciements ” : “Sachez que si vous ne m’aimez pas, je ne vous aime pas non plu “, lorsqu’il s’empare de la Palme la cérémonie de remise des prix du Festival de Cannes vont créer un malaise entre le grand public et lui. Écorché vif, furieux de voir la décision du jury contestée, il se refermera un peu plus sur lui-même.

Il faut attendre 1991 pour découvrir Van Gogh, vision d’un réalisateur-peintre sur un artiste en décalage avec son temps. Les images sont somptueuses, la construction narrative d’une grande intelligence. Quant au jeu acéré de Jacques Dutronc, il lui vaudra le César 1992 du meilleur acteur. En 1995, il renoue avec cette vérité des sentiments dans les rapports amoureux et familiaux et retrouve une fois encore Gérard Depardieu pour Le Garçu. Cette chronique douce-amère autour d’un père insupportable et grande gueule, fou d’amour et invivable, de femmes entre deux rives s’avère aussi un regard sensible et pathétique sur l’enfance. Avec ses yeux immenses et l’inconscience de son âge, sa joie de vivre et ses caprices, le petit Antoine (joué par le propre fils du réalisateur) profite des rapports ” perturbés ” de ses parents autant qu’il les subit.